"Est-ce que tu faisais rire de toi parce que tu bégaies quand tu étais à l’école ?"

Un frisson a parcouru mes bras. C’était la voix d’une enfant, douce et déterminée. Sa force de caractère pouvait se sentir de l’autre bout de la salle.

Ce ne sont pas ses mots exacts, ni ses réels bégaiements. C’est ma traduction libre de sa question posée en anglais à Nina G lors de l’ouverture des journées de conférences de l’Association canadienne du bégaiement (Canadian Association of Stuttering) qui ont eu lieu en octobre dernier à Niagara Falls.

Nina G est une humoriste et conférencière qui bégaie. Avant de terminer son allocution, elle a eu la sensibilité d’inciter les enfants dans la salle à prendre le micro, à lui poser une question.

Sans cette invitation ciblée envers les enfants de la salle, je ne sais pas si cette enfant aurait pris la parole pour lui poser cette question banale et importante à la fois. Je dis que cette question est banale puisque rares sont les personnes qui bégaient qui ne se sont pas fait moquer à l’école. Pourtant, cette question est tellement importante à poser ! Quel soulagement de savoir que nous ne sommes pas seul(e)s à avoir vécu ou à vivre les moqueries des autres !

C’est donc sans grande surprise que je vous révèle que oui, Nina G a fait rire d’elle parce qu’elle bégaie lorsqu’elle était encore à l’école. Et c’est avec un chaleureux enthousiasme qu’elle a accueilli la question de cette enfant et qu’elle y a répondu.

Nina G a réitéré ce que plusieurs savent d’expérience : oui, les autres peuvent se moquer de nous, mais non, ils ne peuvent pas nous faire taire. Se rassembler a ceci de magique : il permet de rendre légitime le bégaiement comme façon de communiquer !

Imaginez pouvoir offrir aux enfants qui bégaient la chance de grandir avec cette leçon ?

C’est en quelque sorte ce que la programmation familiale de l’événement a permis d’offrir aux quelques enfants qui ont été présents !

Comme c’était beau de voir ces enfants se mêler aux grands pendant les repas et les activités sociales !

Pendant les activités parents-enfants, comme c’était doux de voir des familles vivre ensemble une expérience positive non pas "à cause" du bégaiement, mais je dirais plutôt "grâce" au bégaiement !

Et pendant les activités entre jeunes, comme c’était émouvant de voir ces enfants issus de milieux très différents les uns des autres apprendre à se connaître et créer de nouvelles amitiés sous le regard patient d’adultes qui les acceptent avec leur différence !

Il s’agissait de la première fois que les conférences de l’Association canadienne du bégaiement offraient une programmation familiale, et il est évident que cela a demandé beaucoup d’investissement en temps à l’équipe organisatrice et aux animateurs.

L’organisme a l’intention d’offrir encore une programmation familiale lors de leurs prochaines journées de conférences et je ne peux pas m’empêcher de souhaiter qu’un nombre encore plus grand de familles y participe !

La transformation qui se produit chez les participants à ces journées est trop grande et belle, autant pour les plus jeunes que pour les plus vieux !

D’ailleurs, Nina G affirme avoir elle-même vécu toute une transformation lors de sa première participation à des journées de conférences sur le bégaiement ! Elle rapporte avoir rompu avec son partenaire de vie de l’époque 4 mois après avoir assisté à son premier événement ! Comme si le fait de voir d’autres personnes s’exprimer en bégayant lui avait donné le droit de prendre la parole, de prendre sa place, de refuser d’être quelqu’un d’autre qu’elle-même, bref… de s’affirmer !

Je suis donc revenue de ces journées avec quelques questions…

Comment pouvons-nous rendre plus accessibles les rassemblements entre personnes qui bégaient, particulièrement les rassemblements qui permettent à des adultes qui bégaient d’être des modèles pour les jeunes ?

Quelle forme doivent prendre ces rassemblements afin qu’adultes et jeunes puissent s’inspirer les uns les autres et s’aider mutuellement à gagner en estime et en confiance ?

Comment convaincre les adultes qui bégaient de prendre de leur temps, cette denrée de plus en plus rare, pour agir comme mentor auprès d’autres personnes qui bégaient ?

Soyons créatifs ! Trouvons des façons de nous rassembler ! C’est si bon de grandir ensemble !

par Anny Dubé, personne qui bégaie et orthophoniste 

Anny Dube

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