Personne ne sera surpris d’entendre dire que les arts permettent de s’exprimer puisque les humains s’expriment de façon spontanée et naturelle par les arts depuis des millénaires (Morriss-Kay, 2010).

Les arts font partie des caractéristiques qui distinguent les humains des autres animaux. Ils sont pratiqués par toutes les cultures, et toutes les langues sont utilisées créativement pour exprimer des messages de façon littéraire ou métaphorique.

Par contre, je reste moi-même ébahie devant le fait que les arts peuvent aussi servir à se parler à soi-même, à se comprendre soi-même, à se dire des choses que notre conscient n’a pas encore intégrées.

Il est fascinant de sculpter son bégaiement, d’illustrer sa vulnérabilité en aquarelle, ou de faire parler sa honte dans une bande dessinée! Aucun talent n’est nécessaire pour y arriver!

Le choix des mots, des textures, des couleurs, des matières rend l’invisible enfin visible. L’œuvre dans son entier permet d’exprimer des expériences complexes qu’il peut être difficile de comprendre si nous utilisons seulement les mots pour l’analyser.

En effet, même si très souvent nous pensons en mots, nous pensons aussi très souvent sans utiliser de mots. Utiliser les arts expressifs permet de rallier ces deux façons de concevoir notre monde et de donner un rendu plus détaillé des expériences vécues.

Quand notre monde intérieur est étendu devant nos yeux, nous pouvons aussi le contempler d’une autre façon, avec une autre échelle de temps, à notre propre rythme.

Et parfois, cette pratique mène à de grandes réalisations.

C’est justement parce que les arts expressifs sont un outil précieux pour grandir intérieurement que l’art-thérapie est une forme de psychothérapie reconnue. Cette approche s’appuie sur des bases scientifiques solides et des universités du monde entier l’enseignent.

Est-ce que l’art-thérapie peut aider des personnes qui bégaient à se sentir mieux ? Assurément.

Les personnes qui bégaient peuvent vivre de l’anxiété, des difficultés d’estime de soi, des difficultés relationnelles, des dépendances et autres difficultés de santé mentale. Ces difficultés sont parfois reliées au bégaiement et parfois non.

Il ne faut pas généraliser et penser que chaque personne qui bégaie souffre de son bégaiement. Ce n’est pas le cas. Certaines personnes ne sont pas du tout incommodées par leur bégaiement. Et même, certaines personnes ne voudraient pas que leur bégaiement disparaisse. D’autres disent même aimer leur bégaiement.

Tout de même, il ne faut pas banaliser l’expérience du bégaiement non plus. Chez certaines personnes, leur façon de vivre le bégaiement comporte plusieurs similarités avec l’expérience d’un syndrome de choc post-traumatique.

Dans ce contexte, il devient intéressant d’élargir nos horizons et de mieux connaître les ressources qui peuvent aider les personnes qui bégaient à mieux se connaître, à mieux se comprendre et à mieux s’écouter.

Selon moi, l’art-thérapie et les arts expressifs comme outils thérapeutiques font partie de ces ressources à connaître, et il importe de les distinguer.

Si l’art-thérapie permet de "traiter" la santé mentale, l’utilisation des arts expressifs comme outils thérapeutiques permet plutôt de soutenir la personne qui bégaie et rencontre des difficultés.

L’art-thérapie agit à la source de ce qui cause les difficultés mentales, alors que la facilitation par les arts expressifs est plutôt orientée vers le futur de la personne aidée.

L’art-thérapie est généralement réalisée par une personne qui détient l’équivalent d’une formation universitaire de maîtrise en art-thérapie et qui est membre d’une association professionnelle telle que l’Association canadienne d’art-thérapie. L’intervenant qui utilise les arts expressifs comme outil de relation d’aide ou comme outil à sa pratique est généralement formé dans le cadre d’une formation non réglementée.

Ces distinctions sont importantes lorsque vient le temps de choisir l’intervenant avec lequel la personne qui bégaie souhaite grandir.

Dans tous les cas, je pose l’hypothèse que laisser son ego de côté pour découvrir le plaisir de dessiner, coller, peindre, sculpter, imaginer et créer sans jugement est une avenue à considérer pour quiconque lit cet article jusqu’à la fin !

par Anny Dubé, personne qui bégaie et orthophoniste

Anny Dube

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